
Le bocage est une forme d’aménagement de l’espace agricole qui enclôt les champs et les prés par des levées de terre sur lesquelles poussent des haies ou des rangées d’arbres.
Les haies bocagères avaient de nombreuses utilités :
- Délimitation des propriétés
- Production de bois de chauffage
- Production de bois d’aménagement (clôtures, vannerie, outils…)
- Production alimentaire et médicinale
- Production de litière animale
- Production pour la construction (poutre, chaume…)
- Barrière naturelle contre le vent
- Abri pour les troupeaux
- …
Pour répondre à ses besoins, chaque région a ainsi développé des techniques spécifiques d’exploitation des haies. En Bretagne, c’est la taille en « têtards » qui a marqué pendant longtemps les paysages. Aujourd’hui, la plupart de ces arbres ne sont plus entretenus, dépérissent, voire sont déjà morts.
La taille en têtard, qui remonte au Moyen-Age, consiste à étêter (couper à quelques mètres de hauteur toutes les branches au plus près du tronc ainsi que toutes les branches situées le long du tronc) tous les 8 à 10 ans des hêtres, saules, chênes, charmes… Cette taille provoquait l’apparition de boursouflures qui lui donnent son nom. Les branches prélevées étaient destinées au chauffage, à la vannerie ou au fourrage. Selon les régions, les noms diffèrent. On les appelle ainsi truisse, chapoule, ragosse, trognard ou trogne. En fonction des contextes, la taille est opérée plus basse ou parfois très haute.
Le bocage a beaucoup souffert de l’intensification agricole. Si l’impact sur la trame verte, sur l’érosion, sur la qualité des herbages ou sur le paysage est important, il existe aussi un impact plus social et patrimonial. Il s’agit d’une perte de savoir faire et d’usages qui s’exprimait à travers son exploitation. Dans la seconde moitié du XXème siècle, les usages liés aux arbres têtards ont ainsi été progressivement abandonnés. Le développement des sources d’énergie fossile et de l’électricité, et l’importation du bois depuis l’autre bout de la planète ont rendu cette technique obsolète dans de nombreux territoires. La mécanisation croissante de l’agriculture et les différents remembrement ont également détruit de nombreuses haies bocagères et les arbres têtards qui les structuraient.
Aujourd’hui, l’arbre têtard semble en plein renouveau. On redécouvre peu à peu les vertus de cet élément de paysage qui joue un rôle autant social (identité paysagère d’un territoire, utilisation de la ressource en bois), qu’environnemental (rôle dans la trame verte et les continuités écologiques). Par ailleurs, la fin programmée des énergies fossiles et la valorisation croissante des sources d’énergie renouvelable redonnent un intérêt énergétique et économique au bocage et à son exploitation régulière.
Au-delà de ses usages et de son caractère identitaire, l’arbre têtard est également un excellent support pour débattre autour de l’écologie et des différentes conceptions de la nature. Si les plus anciens et les plus ruraux n’ont aucun problème avec la taille en têtard, les jeunes (et les urbains) ont presque tendance à considérer ce type de taille comme une maltraitance infligée à l’arbre. Pour eux, la nature doit être la plus libre possible et ne doit pas être entretenue. Cet exemple est ainsi révélateur de l’évolution des mentalités et de ce que l’on considère être « l’écologie ». Dans la société paysanne traditionnelle, l’écologie (pas forcément conscientisée) consistait à penser l’homme et la nature comme un ensemble. L’homme s’adapte à son environnement, et prélève à la nature ce qui lui est nécessaire pour vivre. Avec le développement de la modernité, de la consommation de masse et de la mondialisation, on assiste à un glissement de cette notion d’écologie. Aujourd’hui, l’acception contemporaine du mot renvoie davantage à la protection et à la mise sous cloche des espaces naturels. On doit absolument laisser la nature se développer, ne pas y toucher, ne pas la prélever.
Derrière cette conception à géométrie variable de la nature, c’est également une évolution des paysages identitaires qui se jouent. En effet, un arbre têtard non entretenu et/ou renouvelé risque de se développer de manière trop importante, risquant l’effondrement du talus, menaçant ainsi le paysage bocager pourtant si caractéristique d’un certain nombre de régions françaises.
Et vous alors, pour ou contre le têtard ?
Pour en savoir plus : http://afac-agroforesteries.fr/