
Le PLU, outil d’urbanisme par excellence, est souvent apprécié, à tort, dans sa dimension uniquement règlementaire incarnée dans son plan de zonage et son règlement. Mais le PLU est plus que ça, c’est avant tout un projet de ville que l’on retrouve surtout dans le Projet d’Aménagement et de Développement Durable, qui constitue une véritable stratégie d’évolution pour la commune. Dans le cadre de l’élaboration d’un PLU, le paysage constitue un moyen, tant sur le fond que sur la forme pour appréhender l’espace, ses représentations et son devenir.
Le paysage s’aborde dès le rapport de présentation et le diagnostic afin de comprendre l’organisation de la commune.
Trois éléments sont alors questionnés :
- ses caractéristiques physiques et l’écologie du paysage : structure paysagère, motifs paysagers, trame verte et bleue, topographie, couleurs, type d’agriculture, etc. C’est un travail de terrain approfondi, à travers différents modes de transport, et des outils « techniques » (photo, dessin, vidéo, etc.), qui permettent de définir tous ces éléments. Concrètement, les cartes de ce diagnostic doivent faire apparaître ces éléments, et en en particulier les courbes de niveau.
- les questions de vues : il s’agit d’identifier les vues intéressantes et leur point de vue, les fenêtres, les axes de vues. Mais c’est aussi les routes et les itinéraires paysagers, sortes de points de vue en mouvement. Enfin, on peut également ajouter à cela les questions des franges et des entrées.
- les représentations culturelles et sentiments d’appropriation : ils s’incarnent dans les pratiques ou les usages du paysage (nourricier, thérapeutique, loisirs) et la relation que les habitants portent à leur territoire. Ces représentations seront recherchées dans les peintures locales, les images identitaires de la communes, gravures, etc.
Si certains de ces éléments s’abordent sous la forme d’une expertise traditionnelle (le paysagiste qui déambule, décrit et analyse l’espace), le paysagiste doit être capable de devenir davantage animateur et accompagnateur, des élus mais aussi et surtout des habitants. En effet, de part sa dimension sensible, le paysage touche tout le monde, et chacun a quelque chose à dire dessus. L’objectif n’est plus de produire une expertise (ou alors « l’expertise d’usages), mais d’arriver à faire ressortir des éléments autour des usages, des pratiques mais aussi des représentations associées à un territoire. Le paysage devient ainsi un médiateur au service d’un projet de territoire partagé.
Une fois les bases de ce diagnostic partagé posées, il s’agit maintenant de basculer dans le projet (PADD). Là-aussi, le paysage peut être utilisé comme un outil permettant de faire participer un large public à l’élaboration du projet. Certes, l’ensemble des problématiques d’un PLU ne s’abordent pas par la question paysagère. Néanmoins, les questions relatives à la qualité des espaces publics, à l’aménagement et à la gestion des espaces verts, le rapport à l’eau, les cheminements doux ou la sauvegarde du patrimoine monumental ou vernaculaire, la place de l’agriculture, les vues existantes ou potentielles, l’intégration des équipements, rentrent dans le cadre global de la question paysagère. L’utilisation d’outils ludiques et pédagogiques (cartes mentales, photomontages, dessin), couplées à des méthodes issues des sciences sociales (entretiens, groupes de discussion) permettent de véritablement intégrer des publics non spécialistes au processus d’élaboration du PADD.
Tout ce travail réalisé, il est temps de rédiger le règlement. Celui-ci doit se situer dans le prolongement du travail réalisé dans le PADD. L’identification et la localisation des éléments de paysage (article 123-1-5-7) peuvent également être appréhendés dans le règlement : quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, et de façon plus fine des murs, des arbres isolés, des bosquets, des mares… Des fiches de recommandations peuvent être jointes en annexe pour permettre la bonne gestion de ces éléments de patrimoine (type d’élagage, de taille, de restauration, d’entretien, de renouvellement…). Pour des ensembles plus vastes, d’autres outils sont plus adaptés. Les Espaces boisés classés (EBC) préservent les boisements de toutes tailles, les « espaces paysagers » préservent les jardins ou milieux naturels ouverts, les zonages corridor (Aco) préservent les continuités écologiques (ex : zones humides continues sans possibilité de constructions ou de clôtures), les cônes de vue qui par leur orientation, leur écartement, leur profondeur peuvent contraindre la constructibilité dans la perspective d’un monument ou d’une vue dégagée. Là encore, des fiches de recommandations peuvent accompagner ces outils réglementaires. A titre d’information et sans portée réglementaire, les cartes de règlement peuvent comporter les courbes de niveau ce qui favorise nettement la prise en compte de l’impact sur le paysage lors des instructions.
Un certain nombre d’articles permettent d’agir directement sur le paysage à travers les règles de constructibilités mais aussi l’aspect des espaces publics et des constructions :
- articles 1 et 2 : sur les constructions, les installations ou les mouvements de terre interdits,
- article 3 : sur la largeur maximale de la chaussée, les accotements, trottoirs et stationnements,
- article 4 : sur l’insertion paysagère des réseaux (eau, électricité)
- articles 6, 7 et 8 : sur notamment les règles qui permettent de maîtriser les perspectives des voies publiques ou collectives et les perceptions d’ensemble du quartier
- article 10 : sur la hauteur maximale des constructions qui ne doit pas interférer avec les cônes de vue,
- article 11 : sur les choix de couleurs pour les façades
- articles 12 et 13 : sur les stationnements et leurs plantations, les limites et notamment les clôtures et plantations, sur la palette végétale à utiliser en limite et/ou sur l’espace public..
Enfin, les Orientations d’Aménagement et de Programmation doivent également être rédigées en cohérence avec le PADD. Sur l’existant, elles mettent en avant les éléments intéressants liées au paysage : la question des franges urbaines avec (ou pas) les espaces naturels, les types de haies, de clôtures, le petit patrimoine, les itinéraires doux, les points de vue, etc. Ensuite, il s’agit d’établir des préconisations sur les contraintes à prendre en compte (topographie, orientation, TVB), la définition de la structure primaire des paysages (vides et creux, public et privé), la définition de la trame des espaces publics et enfin les objectifs en matière d’appréhension et de vision du quartier.
Enfin les annexes sont une mine d’or pour les porteurs de projets et les instructeurs : on peut y trouver une liste d’essences locales, des palettes de couleurs, de guides architecturaux, des principes d’implantations du bâti… et les fiches de recommandations.