
Les rapaces auxiliaires des cultures
Alors que le colza vient d’être semé, plusieurs agriculteurs volontaires de la plaine de Versailles sont venus chercher des perchoirs à rapaces pour les installer dans leurs champs. Motivés par la lutte contre les rongeurs, ces agriculteurs vont indirectement contribuer à la qualité des paysages et à l’enrichissement de la biodiversité.
Remise de 25 perchoirs aux agriculteurs volontaires de la plaine de Versailles
En partenariat avec APPVPA et ATENA78
En effet, préserver ou ré-introduire la biodiversité dans l’espace agricole apparaît dorénavant comme une évidence. Et si on parle de services écosystémiques pour l’agriculture, on pense souvent aux haies qui permettent de lutter contre l’érosion, qui protègent du vent, qui favorisent les pollinisateurs… Mais pour les territoires qui n’ont jamais été bocagers, la haie est généralement mal perçue.
Il faut alors renverser le raisonnement et partir des problématiques des exploitants agricoles. L’une d’elles concerne les dégâts causés par les rongeurs. Il faut savoir que les rongeurs ont 3 à 4 portées par an et que chacune fait naitre 4 à 10 jeunes qui sont mâture au niveau sexuel à 2-3 mois. Ce qui signifie qu’un couple peut produire 70 à 100 jeunes par an. On imagine donc la force de frappe de ces armées rongeuses ! Parmi eux, le Campagnol des champs, le Mulot sylvestre, les Musaraignes… Ces rongeurs sont granivores, herbivores et insectivores pour les Musaraignes. Elles s’attaquent surtout au lieu de stockage des récoltes mais aussi en plein champ où elles mangent leur poids en plantes et creusent des galeries qui altèrent les racines des céréales.
Or les rapaces sont friands de rongeurs qui représentent entre 60 et 90 % de leur alimentation. Mais ils sont devenus rares dans les secteurs de plaines céréalières et en proximité de l’urbanisation et sont globalement en déclin au niveau national. C’est pourquoi, des institutions comme la LPO (mission Rapaces), le CORIF, l’association ATENA 78 (dans les Yvelines), Hommes et Territoire (dans le Centre), les parcs naturels régionaux,… , fabriquent et installent des nichoirs et perchoirs pour les ré-introduire dans l’espace agricole.
Il y a les rapaces diurnes qui chassent à la vue :
- La Buse variable et le Faucon crécerelle chassent à l’affût et ont donc besoin de points hauts où se percher,
- Le Busard Saint-Martin chasse à la traque en vol au ras du sol,
- Le Faucon crécerelle qui chasse en vol stationnaire faute de perchoirs,
- La Corneille noire et le Corbeau freux qui peuvent manger quelques campagnols.
Il y a les rapaces nocturnes qui chassent à l’ouïe en se perchant en hauteur :
- la Chouette hulotte (500g, 100cm d’envergure),
- le Hibou moyen-duc (350 g, 95 cm d’envergure),
- L’effraie des clochers (350 g, 95 cm d’envergure),
- La Chevêche d’Athéna (190g, 60 cm d’envergure).
Ces espèces sont cavernicoles et ont donc besoin de cavités pour se reproduire.
Alors, pour répondre à leur besoin de chasse et de reproduction, ces acteurs associatifs ou institutionnels fabriquent et installent différents dispositifs :
- des nichoirs à l’effraie des clochers sont installés, comme sont nom l’indique, dans les clochers des églises, ou dans des granges agricoles.
- des nichoirs à Hulotte sont installés dans des arbres au sein d’un secteur favorable (avec un système en polyculture et des arbres creux.
- des perchoirs à rapaces sont installés dans les plaines dégagées et des versions mobiles permettent de déplacer en fonction des hauteurs des cultures.
Ces dispositifs démontrent leur grande efficacité comme en témoignent les résultats de l’association ATENA 78 qui depuis 25 ans a :
- installé 130 nichoirs sur 75 communes,
- permis à entre 20 et 50 couples de se reproduire dans ces nichoirs par an,
- permis la naissance de entre 70 et 340 jeunes par an.
Les rapaces contribuent à la beauté des paysages
La réduction des dégâts dans les cultures agricoles ne peut être directement mesurée, mais l’intérêt grandissant des exploitants laisse supposer que les effets recherchés sont atteints. Cependant, ces petits équipements ne permettent pas d’offrir un cadre paysager qui réponde aux besoins de ces espèces, et peuvent apparaître comme des pansements sur une situation qui nécessiterait un traitement de fond. Comme nous l’avons vu, ces rapaces ont besoin de points hauts et de cavités mais aussi d’un territoire diversifié et sécurisé :
- sans infrastructures d’importance pour éviter les collisions,
- sans lignes à haute tension pour éviter l’électrocution,
- sans traitements d’insecticides pour éviter les empoisonnements,
- sans grillages dans les ouvertures des clochers et des granges,
- avec des systèmes anti-noyade dans les abreuvoirs pour éviter les noyades,
- avec une mosaïque de milieux (prairies, bois, cultures, zones humides…)
- avec des fauches différenciées,
- avec des arbres fruitiers,
- avec des arbres têtards.
Si toutes ces conditions dépendent souvent de politique d’aménagement du territoire, la présence d’arbres fruitiers et d’arbres têtards peut se reposer sur tous les aménageurs du territoire, des paysagistes aux particuliers.
Les arbres fruitiers étaient cultivés de façon systématique dans le modèle agricole d’avant guerre dans un objectif de subsistance alimentaire. Aujourd’hui la part des arbres de variétés ornementales et des arbres conifères a pris le dessus ce qui n’apporte que peu d’intérêt pour la faune sauvage. Or ces arbres étaient taillés pour favoriser la fructification, ce qui créait des cavités et des points hauts pour les rapaces. Le retour à une alimentation locale peut inciter peu à peu à la replantation d’arbres fruitiers dans les jardins et dans les espaces verts privés et publics. La taille et la récolte des fruits rebutent parfois les paysagistes à conseiller ce type de plantation. Pourtant, en haute tige, la taille n’est nécessaire que les premières années et n’est pas indispensable dans une démarche purement paysagère (contrairement à une démarche agricole et donc économique de production). Quand à la récolte, les fruits ne seront pas perdus pour tout le monde si les humains ne se servent pas…
La présence d’arbres têtards était courante jusqu’à l’industrialisation de l’agriculture, ils sont devenus rares dans nos paysages. Ces arbres, généralement des saules, des tilleuls, des frênes et des charmes, étaient taillés régulièrement pour fournir du bois de chauffage, des piquets ou de la vannerie. Cette pratique génère des bourrelets et des cavités qui sont des niches privilégiées pour les rapaces cavernicoles comme les chouettes. Il suffirait de relancer cette pratique en étêtant les arbres à 2,5 mètres de haut puis tailler les rejets tous les 2 à 3 ans.
On voit bien que seuls quelques piquets dans les champs ne suffiront pas à préserver ces espèces qui ont besoin d’un environnement qualitatif et diversifié. Mais les agriculteurs sont très sensibles à la présence de la faune sauvage sur leur terre. Munis de fiche de relevés, ils auront à noter la présence des rapaces sur ces perchoirs et apprendront donc à les reconnaître et à les observer. Il y a donc de fortes chances qu’un certain attachement se développe avec ces animaux au faciès fascinant et que d’autres actions suivent pour leur assurer un meilleur cadre de vie.